Sarah Gonidec – Trailer director à Uko Creative

  • 1) Tout d'abord, Sarah, peux-tu nous expliquer ton parcours ?

  • En fait j'ai su assez tôt, vers l'âge de 12-13 ans, que je voulais travailler dans le domaine du cinéma et plus précisément dans le montage vidéo. Ça a commencé un peu par hasard : j'étais chez mon oncle (informaticien), je m'ennuyais. Pour m'occuper il m'a installé adobe premiere pro et m'a demandé de faire le montage d'une bande-annonce de world of warcraft... après ça je n'ai plus décroché de l'ordinateur et j'ai su ce que je voulais faire.


    Ensuite, j'ai fait un bac littéraire avec option cinéma. Je voulais entrer en BTS option montage et post production mais comme je n'avais pas le niveau scientifique suffisant, il a fallu que je fasse une mise à niveau audiovisuelle. Le but de cette année était de rattraper mes lacunes scientifiques donc en gros je suis passée de zéro à douze heures de physique par semaine... Bon je me suis un peu acharnée, finalement je suis entrée en BTS et j'ai continué avec une année de licence audiovisuelle.


    Après les études, j'ai enchaîné directement sur du boulot et mon premier poste était technicienne vidéo dans un boite de production cinéma. En bref je m'occupais de l'encodage et de la vérification des films avant leur sortie en salle. De temps à autre je faisais aussi du montage et du graphisme. C'était un boulot d'équipe, j'étais tout le temps en lien avec les autres techniciens, les réalisateurs, les producteurs. Et ça c'est chouette parce que ça te sors le nez de ton seul champ de compétence. Et puis j'ai appris des tas de trucs, en observant.


    Ensuite, comme je voulais me concentrer sur le montage vidéo, j'ai commencé à travailler en tant qu'intermittente pour du film institutionnel et de la publicité. Encore une fois, expérience très intéressante, j'ai appris plein de choses... et notamment, parfois, j'ai appris ce que je ne voulais pas faire. Certains aspects du métier commençaient à ne plus me convenir, je crois. Notamment, ça me démengeait de réaliser moi-même, de choisir le sujet.


    Comme l'intermittence, c'est un enchainement de périodes travaillées et de périodes chômées, je me suis fixée comme objectif de me former sur un nouveau logiciel durant l'une de ces périodes creuses. Comme j'aimais bien la 3D, je me suis arrêtée sur Unreal Engine et j'ai adoré travailler sur ce soft. Je ne voulais pas faire de jeux vidéos mais plutôt utiliser UE4 pour faire des cinématiques. Ce que j'ai fait. J'ai posté ma première cinématique sur le forum d'Unreal et j'ai été contactée par un développeur américain pour réaliser le trailer de son jeu. La collaboration s'est super bien passée, et dans la foulée j'ai été contactée par un autre développeur pour réaliser un autre trailer... Voilà comment l'idée d'Uko Creative est née.

  • 2) Est-ce que les trailers que tu réalises aujourd'hui dans l'industrie du jeu vidéo sont éloignés de ceux que tu faisais dans l'industrie du cinéma ?

  • Evidemment, c'est pas le même travail ! Finalement, c'est beaucoup plus pointu de réaliser un trailer pour un jeu. Si tu veux, un film, ça reste un film. Tous les codes y sont déjà, la narration, la tension, le rythme, tu pars avec une matière qui est faite pour ça, pour être narrative, pour être juste "regardée". Alors que pour le jeu, tout est à recréer, à traduire en langage cinéma - parce qu'un trailer, ça reste un document de cinéma. Un jeu c'est fait pour être joué. Et nous, on rend ça passif ! Alors il y a du boulot pour recréer de la tension sans l'interactivité, même sur une petite durée.


    Sans parler de tout le rapport à la communeauté du jeu vidéo, qui est d'une exigence folle en matière de trailer. Quand on regarde ce que la sortie d'un trailer attendu génère parfois en terme de réaction, d'émotion, c'est un phénomène en soi. C'est à prendre en compte, tout ça. C'est vraiment un autre délire que le cinéma, on est au delà du simple support de com.

  • 3) Comment crées-tu le storyboard qui va servir de trame de fond à toute la conception ?

  • Pour en arriver là, on fonctionne par étapes, donc je pars de l'étape 1, qui est de jouer au jeu pour lequel on va bosser. Ça va nous permettre de comprendre l'atmosphère du jeu, les points importants, et ce qu'on va vouloir mettre en avant, etc. Ensuite j'écris une trame, des idées, des concepts puis un scénario qui servira de base à la réalisation du trailer. Après ça, je vais dessiner une ébauche de storyboard. Je réfléchis à l’enchaînement des plans et au rythme que je veux donner au trailer. Une fois que je suis convaincue de mon storyboard-croquis je travaille en binôme avec Ann Lou qui est storyboardeuse à Uko.
    Ann Lou est issue de la bande dessinée et notre travail en équipe est super intéressant parce qu'elle va avoir des idées de cadrage, de rythme, de narration, différentes des miennes et ça apporte beaucoup à l'originalité de notre travail, et à sa pertinence finalement. Une fois que le storyboard papier est terminé, on teste notre idée jusqu'au bout en réalisant un storyboard animé. C'est très pratique parce que ça permet aussi aux studios de voir concrètement à quoi la vidéo ressemblera, d'avoir une idée du son, des durées, du dynamisme global. C'est pas une chose évidente à se figurer sur papier !

  • 4) Quelle marge de manœuvre as-tu entre tes envies créatives, et l'idée que s'est fait le client du trailer final ?

  • Pour l'instant, on a eu du bol : les studios avec qui on a travaillé étaient plutôt friands de nouvelles idées et on a jamais vraiment rencontré de restrictions créatives. L'idée aussi, c'est que dès le début, il faut être très au clair sur ce qu'on propose, et très pragmatiques par rapport aux moyens qu'on a, à la matière dont on dispose, etc. Si le studio projette quelque chose et que nous, on en projette une autre, ce qui est normal au début, il faut s'accorder très vite, et ne rien commencer si on s'est mal compris ou si il y a frustration. Le storyboard animé est un super outil pour s'accorder justement. Après l'idée c'est de trouver un équilibre : on travaille pour des gens donc évidemment il faut respecter leur vision, et en même temps si on ne peux rien mettre de nous même, ça n'a pas vraiment de sens. On a une identité aussi, en tant que studio, et des compétences. Et on souhaite qu'à terme, les gens fassent appel à nous pour cette identité et ces compétences là.

  • 5) [Instant PUB] : Sur quels projets bosse actuellement ton studio ?

  • Là on vient de finir un trailer crowdfunding pour SentryGames, et on est en discussion avec d'autres studios, il y a des projets qui arrivent. Là tout de suite et en attendant, on se concentre beaucoup sur notre blog. Eh oui, on démarre ! Et on a envie de se laisser aller à partager ce qui nous vient. Là par exemple, on a fait une rubrique Making of. Ce sont des articles qui chroniquent notre travail de réalisation. Pour l'instant on essaie d'en écrire un pour chaque trailer réalisé... on verra si on tient le rythme !

  • 6) Quels sont les différents « corps de métier » qui composent une équipe à la conception d'un trailer, et quel est le rôle de chacun d'eux ?

  • Je suis super contente que vous posiez cette question parce que le travail d'équipe c'est vraiment quelque chose qu'on met en valeur. C'est vrai qu'il y a beaucoup de manières de faire un trailer. Il y en a qui font ça tout seul, nous on a décidé de les faire à plusieurs. En fait, je trouve ça juste beaucoup plus efficace et agréable en même temps. Ça permet notamment d'intégrer des personnes issues de différents milieux (cinéma, dessin animé, BD, jeux vidéo ..) et donc d'enrichir le trailer de toutes ces compétences là, qui ne sont pas formatées, qui se complètent bien et qui se stimulent les unes les autres. Si humainement ça colle, je pense c'est vraiment pertinent de fonctionner comme ça.


    Pour répondre précisément à ta question, on est en général 5 pour une vidéo : le/la réalisateur(-trice) , le storyboardeur(-euse), le/la graphiste 2D/3D, l'ingénieur son, le/la comédienne (s'il y a des voix à enregistrer).


    C'est un cas général, les équipes seront très différentes si on fait une cinématique 3D par exemple.

  • 7) Enfin, le conseil du Chef : Quelles compétences te semblent primordiales afin d'être un bon trailer director ?

  • Je dirais que le plus important, artistiquement parlant, est de savoir raconter des histoires. La première chose que l'on m'a dit quand j'ai commencé à faire du montage c'est : « quelle que soit la durée de ta vidéo, même si ce n'est que 10 secondes, il faut raconter quelque chose ». Alors bien sûr ça s'apprend, ça se travaille, ce n'est pas inné. Ce que je conseillerai vraiment aux personnes voulant être trailer director, c'est de ne pas se contenter du jeu vidéo : il y a énormément de types de narration et la musique, la peinture, la littérature, le cinéma, la BD, sont aussi de formidables sources d'inspiration.


    Ah oui, et le sens du rythme !


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