Pierre Ratier - Esports Talents Manager chez Stakrn Agency
1) Tout d'abord Pierre, peux-tu nous expliquer ton parcours ?
Alors, il faut savoir que je suis né en 1981. Je viens donc d’avoir 38 ans, c’est important pour situer un peu le contexte. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été fan de jeux vidéo. Mes grands parents étaient patrons de bars et je me souviens encore aller saouler mon grand père 10 fois par jour quand j’y passais pour qu’il me débloque la borne Pac-Man de son établissement en mode “gratuit”. Je pouvais y passer des heures (comme quoi le syndrome Fortnite ne date pas d’aujourd’hui). J’avais toujours des potes chez qui jouer, c’était l’époque des Master System et des NES, puis de la Super Nintendo. Je n’ai eu de console à moi qu’à l’âge de 17 ans, et c’était d’ailleurs la dernière née de Nintendo à l’époque: Street Fighter II, F-Zéro, Mario Kart animaient mes soirées. Je suis ensuite passé à la concurrence avec la PS1, puis 2, le PC, puis la Xbox 360 et aujourd’hui la One.
Côté esport, j’ai réellement débuté au début des années 2000 avec CS 1.5 à l’époque, puis Battlefield II (Team =G=) et enfin PES au sein du club “NSA”, ou j’ai été classé dans les 20 meilleurs Français au meilleur de ma forme, et c’était à l’époque de l’âge d’or du titre de Konami (J’ai connu les Droodie, les Myto, le club LAFC, les début de Bruce Grannec etc…). Après un bref passage de 24 mois sur WoW, et une pause niveau consoles d’autant de temps, un ami me prêta sa 360 au début de l’été 2008. En octobre de la même année, la passion pour le révolutionnaire mode club (10v10) du jeu Fifa d’un groupe de mecs rencontrés ça et là sur des forums spécialisés a fait que la BAM eSport (BAM pour BAyern Munich, club avec lequel nous jouions à l’époque) est sortie des cartons. 10 ans plus tard, après de multiples titres locaux, nationaux et internationaux sur plusieurs jeux, et notamment Fifa, R6S et sur du simracing (Project Cars, Forza, iRacing, F1 etc..), de nombreux contrats de sponsoring signés et des joueurs envoyés aux 4 coins du globe, j’ai décidé de raccrocher les crampons et de passer de l’autre côté de “l’esport business” en rejoignant mon ami Boris BERGEROT au sein de la société Stakrn pour piloter l’activité “Agency” de la start up.2) En quoi consiste ton poste d'Esports Talents Manager ?
J’adore ce titre. C’est Boris qui en a eu l’idée, et je trouve que ça résume parfaitement ma mission. Pour faire simple, je fais, à peu de choses près, la même chose que lorsque j’étais team leader au sein de la BAM eSport : Je détecte, j’épaule, j’oriente, je conseille. Alors évidemment, je fais ça aujourd’hui dans un contexte beaucoup plus professionnel, l’esport s’est structuré, j’ai un siret au dessus de la tête et non une association et j’ai surtout des partenaires solides qui m’appuient dans mon travail. Mon job consiste à dénicher des talents, des pépites au sein de l’esport français et international, et de les aider à développer leur savoir-faire. Le but est qu’ils se concentrent sur ce qu’ils savent faire de mieux : jouer. Moi je suis là pour les aider à évoluer, pour gérer l’administratif, leur trouver des contrats à la hauteur de leurs ambitions, mais aussi dans le cadre de leurs attentes. Je leur apporte un confort, un point d’appui, d’ancrage, un cadre. J’essaie de faire en sorte qu’ils se sentent aidés et aiguillés à tout moment.
Le déroulé est le même pour tous les joueurs que nous avons à l’agence. Je fais mon sourcing dans les LANs, sur les scoreboards, sur Twitch et Youtube, sur les sites de tournois en ligne, ESL, G4G, GFinity etc… Je pose des “balises” et je suis l’évolution des joueurs qui me semblent intéressants. Après quelques semaines de suivi, je les contacte, nous discutons de mes missions mais aussi et surtout des attentes du joueur vis-à-vis de l’esport. La devise de l’agence est “Player First”, il est donc primordial que cela soit le joueur qui soit au centre de nos préoccupations, et non le business, notre intérêt ou notre visibilité. En fonction de cela, le joueur reçoit un questionnaire très complet à remplir, avec toutes ses infos persos, mais aussi tout ce qui va concerner son futur, ses attentes, ses besoins. Souvent, en cas de joueurs mineurs, je reçois un coup de fil du papa ou de la maman, inquiets. C’est aussi notre mission : rassurer, éduquer, expliquer. Nous sommes issus de la génération jeux vidéo, esport. Ce n’est pas le cas de tout le monde et il est important d’expliquer notre métier, notre scène, notre passion.
Ensuite, le joueur reçoit un contrat le liant à l’agence, et une fois celui-ci signé et validé, ma mission commence, pour 6, 9 ou 12 mois selon le jeu, la période de l’année ou l’envie du joueur.3) Quelles sont les différentes clauses encadrant le mandat qui vous lie à vos joueurs ?
Il y a les traditionnelles clauses de durée, d’exclusivité ou non, cela dépend du profil du joueur mais aussi de ses demandes, de cause de rupture et des conséquences que cela implique, et les obligations que nous avons l’un envers l’autre. En cela, la communication est primordiale. Tous nos joueurs sont informés en temps réel des avancées de notre travail. Le choix final leur revient TOUJOURS. Nous sélectionnons des offres, des opportunités, et c’est le joueur qui décide en fonction de ses affinités, de ses envies. En contrepartie, nous devons être l’intermédiaire privilégié dans toutes les négociations relatives à sa carrière, dans la mesure où celles-ci entrent dans le cadre du contrat qui nous lie. Nous jouons le rôle de “tampon” mais c’est la condition sine qua none au bon fonctionnement de l’entente. Chacun est au courant des avancées de l’autre, en permanence. C’est la base de la confiance, c’est la base de nos contrats.
Enfin, le contrat stipule les services, que j’appelle “services +”, dont bénéficiera le joueur durant toute la durée de son bail chez nous.4) Quelles sont les plus-values, pour les joueurs professionnels, à faire appel à une agence telle que Stakrn Agency ?
Outre une personne totalement dédiée à la gestion “globale” de sa carrière, interlocuteur privilégié et unique, le contrat Stakrn Agency prévoit plusieurs services, totalement gratuits pour le joueur et disponibles dès le jour 1 de la signature, via divers partenariats que nous avons noués :
- Le cabinet d’avocats Simon Associés de Montpellier est en charge de la rédaction, du contrôle et du suivi de tous les contrats de nos joueurs. Cela sécurise la pratique, et peut s’avérer très utile en cas de question, de problème ou de besoin. L’encadrement juridique est la clé de mon métier, et surtout, il constitue un élément essentiel à l’évolution saine de l’esport professionnel. Cet aspect est trop souvent délaissé, car coûteux et fastidieux, mais il est pourtant obligatoire aujourd’hui pour gagner en crédibilité auprès des investisseurs, des médias et des politiques.
- Nous avons Fredéric VERGNAS, via sa société Center Coachs, qui s’occupe de la préparation mentale de nos joueurs : relaxation, gestion du stress et du sommeil, méthode d'entraînement psychologique. Il apporte un réel bien-être à nos talents. Cet aspect aussi est important. Que serait un sportif sans la gestion de ses émotions, de ses efforts, de son temps de repos? Fred est un spécialiste du “sportif” qui transpose ses méthodes aux “esportifs” et ça marche! Tous les joueurs qui sont passés entre ses mains en redemandent!
A noter également que nous proposons aux joueurs qui le souhaitent de gérer leur image, leurs réseaux sociaux et leur communication. A l’époque du tout Twitter, du “buzz to win” et du drama qui peut briser une carrière, il est important de faire appel à des professionnels afin de cadrer ce que le joueur dégage, de créer un véritable storytelling autour de lui, de sa discipline, de son talent. Beaucoup de joueurs pros gèrent eux même leurs réseaux sociaux ou leur communication en général. Chez Stakrn Agency, nous trouvons ça inconcevable, sauf formation préalable évidemment. C’est un vrai métier, avec ses codes et ses tips. Une erreur, trop de fautes d’orthographe ou trop de “clash”, et c’est ce que vous avez mis plusieurs saisons à bâtir qui s’effondre, ce sont vos sponsors qui se désolidarisent, ou votre équipe qui rompt le contrat qui vous lie. Nous sommes donc là pour éviter cela et accompagnons nos joueurs pour qu’ils soient aussi de bons communicants. Ce service tourné « ereputation » et « Personal Branding » est lui aussi un service compris dans notre “package” pour les joueurs.5) Avez vous d’autres missions chez Stakrn Agency, d’autres façons de “traiter” l’esport ?
Nous croyons fortement au développement de l’esport à travers des lieux “physiques” où les joueurs pourront s'entraîner, être accompagnés dans leur performance, rencontrer leur public, leurs sponsors, leurs managers. Nous oeuvrons au quotidien pour imaginer, au sein même de grandes métropoles, en France et à l’international, des lieux de ce type, mélangeant esport, entertainment, pédagogie, comme le projet ICONE Arena à Toulouse qui devrait ouvrir ses portes au T1 2023 sur plus de 16.000m2. Nous pensons, à l’instar des stades de football, de basket ou autres, que l’esport à besoin d’endroits où l’on puisse centraliser tout l’attrait de la discipline pour optimiser son développement.
6) Peux-tu lever le voile sur les salaires des « joueurs esport » : comment fonctionne leur rémunération et quelle en est la fourchette ?
La fameuse question. Cela équivaut à celle que l’on pose au Youtubeur qui se rend sur les plateaux de TV “classiques”. On ne peut répondre que vaguement à cette question tant la disparité entre les jeux, puis entre les équipes, et donc les moyens, est grande. Je pense pouvoir avancer une fourchette de 100€ à plusieurs milliers d’euros mensuels sans trop me tromper je pense. Mais cela reste très démago de ma part évidemment. Et encore, on ne parle ici que de “salaire”, soit le pécule fixé au contrat que vous êtes sûrs de percevoir chaque mois. A cela s’ajoutent les cashprizes glanés en compétitions, les revenus “médias”, Twitch et/ou Youtube principalement, les primes de résultats, voire pour certains les produits dérivés ou intéressements aux ventes de produits dérivés.
Pour être un peu plus précis et pour jouer franc jeu, au sein de l’agence, nous avons des joueurs qui touchent entre 250 et quasiment 3000€ mensuellement. Mais nous couvrons un panel de jeux relativement large, sans pour autant toucher aux jeux phares pour le moment, comme CSGO ou LOL par exemple, pour lesquels ces sommes là seraient dérisoires au plus haut niveau.
Niveau modalité de rémunération, vous avez plusieurs profils : le salarié pur et dur qui touche un salaire comme presque tout le monde, l’auto-entrepreneur, statut qui concerne 80% des joueurs pros en France car le plafond est honorable et les tracasseries administratives sont simples, qui facture ses prestations directement à l’équipe qui a conclu avec lui un contrat de prestations de services, et le garçon, solide, qui a monté sa société, le plus souvent une SASU, pour facturer comme le fait une PME classique, ou presque…
En fait, tout va dépendre du joueur, de ses ambitions, de son niveau de jeu, du jeu en question et de l’équipe qui va le recruter. Certaines équipes, comme G2 par exemple salarient presque systématiquement leurs joueurs, même pour quelques centaines d’euros mensuels. D’autre fonctionnent par prime, voire uniquement en dotation matérielle. Les possibilités sont quasi infinies et dépendent de beaucoup d’éléments!7) Enfin, le conseil du Chef : En tant qu'agent de joueurs esport, Stakrn Agency perçoit une commission sur les revenus de ses joueurs sous mandat : comment avez-vous déterminée cette commission ?
Tous les services de Stakrn Agency sont gratuits pour nos joueurs. En signant chez nous, un talent ne sort pas un euro de sa poche, jamais. Le but du jeu pour nous est donc de répondre aux attentes du joueur tout en nous assurant une rémunération nous permettant de travailler dans de bonnes conditions. Le contrat salarié ou assimilé ne demande pas le même travail que la prestation ponctuelle pour une conférence ou une animation par exemple. Nous sommes partis du principe que notre commission ne devait pas amputer le revenu du joueur. Nous nous arrangeons donc en principe pour que notre commission fasse partie de la “plus value” que nous négocions pour telle ou telle prestation. Au final, le joueur obtient ce qu’il a demandé, voire plus, et nous pouvons améliorer notre service et notre implication à ses côtés grâce à une rémunération juste et cohérente.
S’il faut parler chiffres, nous prenons entre 5 et 30% selon le type de contrat négocié pour nos talents. Mais à ce prix là, nous nous occupons de tout de a à z, prise de contact, suivi, juridique, administratif, tout en laissant le dernier mot au joueur, toujours.
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Dossier : Comment réussir le lancement de son jeu vidéo ? 2/3
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Véritable chef de projet de l'industrie du jeu vidéo, le producer (producteur) est avant tout un financier confirmé. Effectivement, il va être en charge d'établir et d'optimiser les coûts inhérents à la...
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