Rinaldo Wirz – Directeur créatif chez Momo Pi

  • 1) Rinaldo, tout d'abord, peux-tu nous en dire davantage sur ton parcours ?

  • Il y a deux grandes étapes dans mon parcours, la première étant tout le chemin qui m’a amené à vivre et travailler dans le jeu vidéo au Japon. La seconde étape étant bien sûr ma vie au Japon et l'expérience que j’y ai acquise.

    Ayant grandi en Suisse, là où le graphisme, la typographie et la culture des beaux arts sont très appréciés, je me suis naturellement dirigé vers ces métiers. Mon envie était de créer, raconter des histoires, et également maîtriser l'outil informatique, qui offre beaucoup de nouvelles possibilités. Ma première école fût donc dans le multimédia, où je suis sorti avec un diplôme de Concepteur en Multimédia en 2007.

    Malgré l'engouement autour des métiers du multimédia en Suisse, ma préférence s’est souvent orientée vers le divertissement. Transmettre des émotions et raconter des histoires a toujours été au coeur de mes créations, et le carcan de mon métier commençait déjà à montrer ses limites. Pour ouvrir mes horizons, je décide de partir au Japon pour un voyage qui allait durer six mois. Le Japon paraissait avoir tout ce qu’il me manquait à l’époque, un mélange spirituel et technologique, une surdose de divertissement sur un fond de tradition millénaire.
    Après trois mois d’étude de la langue à Tokyo, j’ai eu la chance de trouver un stage dans une entreprise de dessin animé où j’ai passé trois mois de plus, me donnant envie de vivre des métiers du divertissement

    Je retourne alors en Suisse, termine mon service civil (une branche du service militaire, obligatoire en Suisse), et décide en 2009 de faire un bachelor en dessin animé/illustration au Ceruleum à Lausanne, afin d’avoir tous les outils nécessaires pour réaliser mon rêve, travailler dans l’animation et les jeux vidéos au Japon. Je termine ma formation en 2012, fais mes préparatifs courants 2013 et décroche un poste d’animateur 3D à iNiS, entreprise de jeu vidéo à Tokyo.

    J’ai travaillé ensuite durant deux ans en tant qu’animateur 3D principalement pour Square Enix, sur des jeux comme Lord Of Vermillion et Dragon Quest 11. J’ai aussi eu la chance de travailler sur le jeu StarFox Zero pour Nintendo, en tant que “Cinematic Animator”. Puis j’ai commencé à penser à mon propre projet de jeu, que j’ai d’abord proposé à iNiS et qui m’a fait comprendre que ce n’était pas la direction cherchée.
    C’est à partir de là que je décide de créer mes jeux à ma manière.

  • 2) Comment s'est présentée l'opportunité de créer Momo Pi ?

  • Durant ma période à iNiS, je développais durant mon temps libre l’idée de mon premier propre projet de jeu, Spirit. Mais j’avais besoin d’une équipe pour le mener à bien. Après quelques collaborations infructueuses avec, entre autres, un concepteur logiciel de Square Enix, j’ai contacté un ancien collègue et ami suisse, Cédric Reinhardt. C’est à partir de ce point que notre équipe a peu à peu grandi pour arriver à un groupe de cinq personnes travaillant sur le prototype de Spirit.

    Avant d’être Momo-pi, notre équipe s’était donc formée autour du projet Spirit. Celui-ci ayant eu du succès, mais notre expertise dans le domaine étant encore insuffisant pour mener le projet à bien, Momo-pi fût fondé afin de créer de plus petits jeux et accumuler l'expérience nécessaire à la création de Spirit.


  • 3) Momo Pi a lancé, il y a quelques jours, le jeu Persephone. Quelles ont été tes missions, en tant que directeur créatif, dans la production de ce jeu vidéo ?

  • Vu que l’on porte tous plus d’une casquette, le game design, c’est-à-dire de réfléchir à la structure et aux mécaniques du jeu a été une grande partie de mon travail en début de projet.

    Ma première mission a donc été de mettre en place un premier document complet à partir d’une idée simple : que se passerait-il si la mort dans les jeux vidéos n’était pas la fin, mais une manière de résoudre les niveaux ?

    Nous avons depuis Spirit comme principe de ne pas mettre de texte dans nos jeux.
    Ma seconde mission a été de penser à un univers visuel cohérent pour tout le jeu tout en réfléchissant aux émotions que je souhaitais intégrer dans cette narration, et cela de manière instinctive pour le joueur.
    - Comment expliquer au joueur les règles du jeu sans un seul mot ?
    - Quelles sont les étapes que le joueur doit effectuer pour comprendre ce qu’il doit faire ?
    - De quelle manière la composition, les couleurs et les animations peuvent amener le joueur à faire instinctivement ce que l’on veut qu’il fasse ?
    Voilà le genre de question que je devais sans cesse me poser durant la création des menus, des assets, de l'interface, etc.

    La question de la mort pouvant être assez lourde, j’ai décidé de diriger le jeu vers un visuel mignon, sans aucune goutte de sang ou quoi que ce soit qui puisse visuellement choquer, afin que le joueur s’y habitue comme étant uniquement une mécanique du jeu.

    Pour résumé, du début à la fin du projet, et pour les add-on gratuits à venir, je regarde chaque détail et créer ce qui est nécessaire afin que le jeu suive toujours la même ligne directrice : un jeu agréable à voir, dont la principale mécanique est la mort et dont la prise en main est intuitive.

  • 4) Tu as la particularité de travailler « à distance » vis à vis du reste de l'équipe. Quelles contraintes cela vous amène-t-il au quotidien ?

  • La contrainte la plus handicapante, comme on peut l’imaginer, est le fait qu’il y ait entre 7 et 8 heures de décalage horaire. Si on s’organise mal ou s’il y a des retards ou des imprévus, cela peut parfois nuire au bon déroulement du projet.

    Mais de manière générale ça a aussi ses bons côtés. Comme je suis le seul à travailler sur ce qui est “arts”, je m’organise comme je le souhaite, et peux travailler à mon rythme. J'aime travailler par périodes intenses, c'est dans ces moments que je suis le plus créatif et productif et le fait de pouvoir organiser mon travail librement me permet de le faire. Avec le décalage horaire, je peux donc envoyer mon travail tard le soir à mes collègues qui recevront le tout au réveil. Donc de manière générale ils n’attendent pas sur moi, et ça marche dans les deux sens.


  • 5) [Instant PUB] : Peux-tu nous en dire plus sur votre jeu vidéo, Persephone ?

  • Persephone est un jeu de réflexion, où le but est de guider le personnage principal, Perséphone donc, à travers différents puzzles et descendre au plus profond des enfers pour sauver son mari, Hadès.

    La particularité du jeu, et ce qui le démarque des autres jeux vidéo de puzzle est le fait que la mort n’est pas la fin du jeu, mais au contraire l’un des points principaux du gameplay. Le joueur doit, en effet, utiliser la mort du personnage comme un moyen de terminer chaque niveau.

    Le jeu comprend 60 niveaux, dont 5 sont cachés dans les différents chapitres. Chaque chapitre a un environnement, une musique et des mécaniques de jeu qui lui sont propres.
    Des ajouts de contenus auront lieu régulièrement durant 2019 pour ajouter des puzzles et une nouvelle histoire. Et une fois le jeu “complet”, nous sortirons Persephone sur PC/MAC et sur Switch, fin 2019.

  • 6) Quels objectifs vous êtes vous fixés quant à la commercialisation de Persephone ?

  • Idéalement, Persephone devrait lancer Momo-pi afin de pouvoir y travailler à 100% et créer le prochain projet. Actuellement nous travaillons tous à côté à 80%, et Persephone est un jeu qui a été fait sur les 20% qui restent, et souvent le soir et le weekend.
    Donc le but est vraiment de pouvoir peu à peu ne faire que des jeux Momo-pi. Bien entendu, Persephone étant notre premier jeu commercialisé mondialement, nous restons réalistes et savons que cela peut demander plus de temps que prévu. Néanmoins, nous savons aussi que parfois il y a des coups de chance, des coups de pouce qui peuvent arriver.

    Pour l’instant le jeu à l’air d’avoir attirer l’attention, et pour une version Premium sans achat interne ni besoin de se connecter au net, il semble que ce soit bien parti. La prochaine étape que nous espérons est le test et les reviews du jeu par des gros sites comme jeux-vidéo.com ou IGN, et tous les autres.


  • 7) Enfin, le conseil du Chef : Il y a beaucoup d'éléments à prendre en considération dès lors que l'on diffuse son jeu au grand public. Quels sont, d'après toi, les points clés d'un lancement réussi ?

  • Très difficile question, je pourrais en discuter des heures, car il n’y a pas vraiment de manière unique de faire, et surtout pas de manière juste.

    Mais je pense que malgré le fait qu’il n’y ait pas de recette magique, il y a quelques points essentiels à garder en tête :
    - Faire un jeu de qualité est la première chose importante. Il faut que l’on aime y jouer, que notre entourage ne puisse pas se décoller du jeu, et surtout que le projet nous passionne, car il restera avec nous pour longtemps. De plus, la qualité et le fun d’un jeu est ce qui le fera vendre, avoir des features, et rester dans le temps.
    - Rencontrer beaucoup de personnes, se faire des amis dans le plus de domaines possible et élargir ses contacts. On ne sait jamais qui nous aidera un jour en postant le jeu ou en en parlant autour de lui. En gros, garder en tête que tout n’est que relation humaine au final.
    - Ne pas lâcher une fois la création du jeu terminé, car il y a au moins autant d'énergie à investir lors de la promotion de celui-ci. Souvent l’on croit qu’une fois le produit terminé, on a juste a laisser faire, mais à moins d’avoir un très bon publisher, il est toujours nécessaire de pousser le jeu en avant, contacter les bonnes personnes, etc. et cela prend énormément d’énergie.

    Un dernier point qui me touche est qu’un projet de jeu, ou tout autre projet d’ailleurs, devrait être vu comme un objet qui dure sur le temps, comme un meuble que l’on améliorerait, peaufinerait et finalement vendrait pour en faire un second encore mieux.
    Voir le jeu comme du fast food en essayant d’en faire le maximum possible est probablement, pour moi, la pire manière de faire. Car même si financièrement certaines personnes arrivent à vivre avec des jeux clones ou des jeux gratuits bâclés avec pubs, je pense que ce n’est pas bon pour le moral du créateur et n'amènera au final rien de bon.
    En gros le marketing doit servir le jeu, et non pas l’inverse.


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