Clément Pévrier - Co-fondateur d'Almost Games Studio

  • 1) Clément, pourrais-tu, dans un premier temps, nous expliquer ton parcours ?

  • Haha et bien mon parcours est…atypique je dirais ! J’ai fait des études de commerce international pour commencer, ce qui ne me plaisait pas forcement, mais cela m’a permis de valider un BTS.
    J’ai ensuite décidé de me prendre une année sabbatique afin de me tenir éloigné de ce rush infernal et perpétuel que demandent les études … apprendre, comprendre, être évalué … Durant cette année sabbatique, j’ai postulé au Mcdo le plus près de chez moi afin de pouvoir payer mon loyer. J’y travaillais en tant qu’équipier polyvalent 20h par semaine. Au bout d’un an, la direction m’a proposé d’évoluer vers un poste de manager. Vous savez ce que l’on dit dans ces cas là, il est très dur une fois que l’on commence à gagner sa vie, de revenir au statut étudiant : j’ai donc accepté le poste. Un peu plus tard, le directeur de mon restaurant s’en allait (Thibaud avec qui j’avais bien sympathisé) pour diriger un autre restaurant, et devinez quoi ? On m’a proposé le poste ! Bon malgré le stress j’ai bien sûr accepté la proposition. S’en suit quasiment deux ans de gestion de ce restaurant.

    Et puis autour d’une discussion avec Thibaud, un projet d’entreprenariat nait dans nos têtes. Pourquoi ne pas créer un restaurant sans comptoir et entièrement connecté ? Je vous parle de ça alors que les bornes de commande chez McDonald commençaient tout doucement à arriver. Il nous fallut deux ans pour accoucher du projet et ouvrir le restaurant. Il a fallu faire une étude de marché, trouver un local, trouver les fonds (300 000 euros), faire les travaux, développer l’application de commande etc. Le restaurant a donc ouvert et le concept a séduit pas mal de Rennais. Nous avions donc placé sur les tables des iPads pour que les gens puissent commander directement sans passer par un comptoir. Ensuite ils pouvaient naviguer sur le web, jouer à des jeux etc tout en restant à leur table.L’aventure à durée un an et nous avons pris la décision de fermer le restaurant. La restauration est un marché très concurrentiel, nos charges fixes liées à nos innovations nous rendaient moins rentables que le Kebab du coin…Mais cette innovation nous a valu une très grand visibilité dans le secteur.

    J’ai ensuite fait des essais chez Carrefour et pizza del Arte pour finalement être coopté par mon ami Thibaud chez Acrelec, l’entreprise qui créé et installe les solutions digitales (borne de commandes, digital signage, web order etc) de Mcdonald’s, Carrefour, KFC et j’en passe !
    J’ai donc pendant 4 ans occupé le poste de chef de projet digital, pour le compte de McDonald’s essentiellement et sur des produits tels que des tables de jeux interactives, des tablettes de prises de commande et du service à table géolocalisé.

    Et en septembre 2016 avec un collègue d’Acrelec, nous avons décidé de monter en parallèle de notre job, notre propre boite de jeu vidéo. C’est comme cela que nous avons développé notre premier jeu Ana the game suite à une idée que j’avais eu sous la douche…

    Je suis finalement aujourd’hui Président d’Almost Games Studio, je continue à créer des jeux sur mon temps libre à travers cette entité, mais j’ai démarré un nouveau poste chez Beemoov en tant que chef de projet.
  • 2) J'aimerais faire un focus avec toi sur le métier de Game Designer. Tout d'abord, qu'est-ce que c'est, un Game Designer ?

  • Vaste question ! Et bien au sens littéral je dirai que c’est la personne en charge de la conception d’un jeu vidéo, mais selon les studios et les missions, cette définition peut radicalement changer . On a par exemple des sous branches du game design, comme le level design, le sound design etc. Parfois le game designer aura une vue d’ensemble et devra se charger, de par ses inputs à l’équipe, de faire en sorte que le jeu serve le but défini par le producer ou chef de projet : toucher tel type de gamer, procurer telle émotion etc mais souvent le but premier visé est la rentabilité. Et parfois le game designer occupera tous ces postes, c’est souvent le cas dans les petits studios. Pour moi un game designer reste avant tout quelqu’un qui joue et analyse sa pratique de jeu afin de créer lui même des systèmes de jeu divertissant.
  • 3) Quelles sont les compétences nécessaires à une bonne exécution de ses missions ?

  • Je dirais que peu importe la taille de son équipe ou de sa mission, la plus grande qualité que devrait posséder un game designer est l’écoute ! Beaucoup se lance dans le game design d’un jeu en ne se basant que sur leur propre expérience. Or un bon jeu ne contente pas qu’une seule personne mais bel et bien des centaines, des milliers ou meme millions d’utilisateurs, ayant chacun leur propre expérience du jeux vidéo. L’écoute permet donc de comprendre premièrement ce que les gens aiment, et pourquoi, mais elle permet aussi, lorsque l’on travaille dans une équipe, de prendre en compte les bonnes idées, et d’évacuer les mauvaises idées même si elles viennent de vous. Cela renforce également la cohésion d’équipe et permet au jeu de bien souvent prendre une plus grande dimension.

    La deuxième qualité d’un bon game designer serait à mon sens la passion du jeu, sous toutes ses formes. Un bon game designer doit aimer jouer, que ce soit à un jeu vidéo, à un jeu de plateau, ou même à un jeu inventé à la volée dans une voiture lors d’un voyage entre amis. Le jeu doit lui procurer un plaisir et de la joie, et c’est ce sentiment qui doit le pousser quand lui même créer un jeu.

    Et puis on pourrait citer la curiosité, l’adaptabilité, car il est souvent touche à tout sans être expert dans une seule matière, ce qui lui permet de comprendre les enjeux et problématiques de son équipe afin d’y répondre au mieux. Beaucoup pense à la créativité, mais bien importante, ca n’est pas à mon sens la plus grande qualité que se doit de posséder un bon game designer. Et puis la créativité ça se travaille !
  • 4) Faut-il, d'après toi, suivre une formation spécifique pour exercer ce métier ?

  • Si on prend mon parcours personnel pour illustrer la réponse, he bien non … Aujourd’hui le game design est sans doute la chose que je fais le plus pour mon studio et je ne l’ai jamais étudié au sens scolaire.
    Comme je le disais il faut avant tout être passionné, beaucoup jouer, et analyser sa pratique du jeu. Quand on joue et que l’on réfléchit à pourquoi un jeu nous plait, et bien finalement on analyse le game design de quelqu’un, et ça pour moi c’est la base. Faire des études de game design est un plus assurément, mais vous trouverez toutes les informations nécessaires, dans les livres traitant du sujet pour quelques euros (cf The art of game design de Jesse Schell par exemple). Certains livres, ou auto formation valent mieux à mon sens que des écoles hors de prix. Mais bon, avoir un diplôme dans la matière que l’on souhaite exercer plus tard facilitera grandement l’embauche.
  • 5) [Instant PUB] : Après le succès d'Ana The Game, sur quoi travaille dorénavant le studio ?

  • Et bien nous travaillons actuellement sur trois projets.

    1° Ana domino killer :

    Un jeu pour smartphone reprenant les codes d’un jeu de cart slash domino. L’histoire vous place dans la peau de Jo. Miller qui fait face au tueur au domino. Ceux qui ont joué à Ana seront sans doute heureux d’en apprendre plus ces deux personnages.

    2° Ana Le prologue :

    C’est donc le prologue de Ana the game, on y explique pourquoi certains événements sont arrivé s dans Ana the Game. Le jeu se jouera également au sein d’une interface de téléphone, mais il ira encore un peu plus loin que le premier dans ses énigmes et discussion avec les différents protagonistes…

    3° Orion :

    Un rogue like très particulier…je ne peux pas en dire plus pour le moment. Et cette fois nous visons en premier lieu le PC et non plus les smartphones.
  • 6) Quels indicateurs / feedbacks te permettent d'évaluer que l'expérience utilisateur que tu as créé fait mouche auprès des joueurs ?

  • Et bien le premier des indicateurs pour moi a été … la tête qu’a fait un de mes collègues de bureau essayant le tout premier build du jeu qui ne comprenais à l’époque que 2 personnages et moins d’une dizaine de choix narratifs. Je voulais tester le concept du jeu, à l’époque life line n’était même pas sorti, et A normal lost phone n’était sans doute même pas né dans la tête de ses concepteurs, du coup ce test était important pour valider le concept du jeu novateur. Et j’ai vu un très grand sourire se dessiner sur son visage, lui qui n’avait jamais joué à un jeu avait compris le but et la puissance du gameplay en 10 secondes.

    Mais bon pour te répondre plus en détails, aujourd’hui beaucoup d’indicateurs permettent d’évaluer son jeu. Forcement le feedback des joueurs eux mêmes. Il se trouve que dans notre cas, il a été très très positif avec un rating de 4,5/5 sur l’apple store et plus de 1000 avis. Nous savions que nous étions dans la bonne voie. Le 0,5 manquant provenant de bug rencontré par certains utilisateurs, ou bien de la traduction anglaise qui n’était pas optimale à l’époque.
    Le deuxième indicateur est sans aucun doute les ventes…je ne vais pas expliquer le concept hein !
    Ce qui est bien aussi sur les App stores c’est que vous avez pas mal d’indicateurs vous permettant de savoir combien de temps les gens restent sur votre jeu, où ils décrochent, si ils lancent souvent votre jeu, si ils achètent des consommables, si ils téléchargent le jeu une fois la page du jeu visité etc. Pour nous la plupart des indicateurs était au vert, mais parce que nous avions en amont étudié ces paramètres pour mieux y répondre.
    Et enfin les « awards » permettent aussi un certain feedback. Nous par exemple nous avons récemment gagné le PING AWARD du meilleur scénario 2017, face à des jeux d’ubisoft ou Arkane, pour un jeu qui se veut narratif, on est plutôt satisfait !
  • 7) Enfin, le conseil du Chef : Quels conseils pourrais-tu prodiguer à quelqu'un souhaitant faire de Game Designer son futur métier, sans pour autant savoir s'il en a les compétences ?

  • JOUER et JOUER ENCORE ! Mais attention pas juste pour faire une partie de Fifa … et puis rien … Nan, jouer pour comprendre pourquoi on joue, pourquoi on aime ça, pourquoi tel jeu ou tel jeu est plus addictif qu’un autre etc.
    Et puis en dernier conseil je dirai Sortir ! La créativité vient quand on ne la cherche pas, elle nait des expériences que l’on a. Faire partie d’une asso ou d’un cluster de jeu video portera souvent votre regard plus loin en temps que game designer, car vous serez confronté à d’autres visions, à des ateliers ludiques etc. Les games jam par exemple sont, je pense, un bon moyen de progresser tout en s’amusant.


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